Corridors

Sean héla une quelconque femme de chambre mais personne ne vint. Aucun téléphone non plus. Quand à la fenêtre, elle était étrangement munie de barreaux, aussi incongrues qu’inutiles à cette hauteur. A l’extérieur, exceptée sa voiture, le parking était désormais vide et un silence pesant commença à s’installer dans la bâtisse.

Le soleil commençait à décliner et Sean, fatigué d’avoir hurlé toute la journée pour qu’on vienne lui ouvrir, le corps meurtri après ses maintes tentatives pour défoncer la porte, la fenêtre et même les murs, se résigna enfin, désespéré, et complètement exténué. Il s’attendait maintenant à tout moment à ce qu’une bande de tarés viennent le détrousser puis le torturer.

Il se mit alors à fouiller méticuleusement sa chambre dans l’espoir d’y dénicher un quelconque objet pouvant servir d’arme.

Le placard retint son attention. Imposant, étrangement sculpté et doté d’un curieux dessin dans sa face intérieure, le meuble détonnait de la piètre décoration de la pièce par sa finesse d'exécution et son aspect ésotérique. En réalité "Dessin" n’était pas le mot approprié pour qualifier cet insolite relief taillé à même le bois. Sa forme était abstraite et n’évoquait rien de particulier à Sean qui fit parcourir sa main sur les lignes douces et sinueuses du motif.

Alors que son index suivait les circonvolutions complexes d’une arabesque en creux, un clic se fit entendre et le fond du placard coulissa latéralement pour s’ouvrir sur le mur nu et à moitié démoli de la chambre. Les nombreuses briques manquantes, formant un trou de la taille d’un homme, laissait apparaître une nouvelle plaque de bois renvoyant le même motif. Bien que surpris par cette découverte, Sean y vit enfin l’espoir de s’enfuir. Cette fois il chercha directement le bouton poussoir, visiblement placé à un endroit différent.

Il se dirigea vers la porte de la chambre pour enfin quitter ce maudit hôtel. Fermée également ! Pas vraiment surpris, Sean examina la pièce : toujours le même intérieur, décrépit et poussiéreux, quelques tableaux pittoresques, et un état d’abandon apparent.

Il s’éveilla doucement, son corps à moitié engagé dans le passage. Son front l’élançait terriblement mais au moins il était en un seul morceau. Un rêve, ce n’était qu’un rêve... Mais alors ? Il tourna la tête et son regard tomba sur la créature. Celle-ci n’avait pas bougé, imperturbable, jouant son rôle de sentinelle... ou d’épouvantail ?! Sean s’en approcha lentement sans qu’elle n’esquisse le moindre geste. A moins d’un mètre d’elle, la honte submergea le jeune homme. La créature n’était qu’un leurre. Il l’examina, en fit le tour, la toucha et fut rassuré de constater qu’elle était sans vie ; sans doute l’œuvre d’un farceur... ou d’un talentueux taxidermiste ! Sean chassa cette terrible pensée de sa tête.

Le jeune homme se dirigea vers la porte. Fermée ! Il poussa un soupir puis activa l’interrupteur de la salle de bain. Comme dans son cauchemar, le néon frétilla avant de révéler des murs... immaculés ! Sean fit quelques pas dans la pièce et se posta devant le miroir. Le cœur palpitant, il approcha précautionneusement son bras de la glace pour en dégager l’épaisse couche de poussière. Pas de créature, juste lui, les cheveux ébouriffés, les yeux hagards, du sang séché sur le visage, mais la tête en bas !! Sean eut un mouvement de recul, gesticula quelques instants devant son reflet inversé mais le miroir lui renvoyait invariablement son image à l'envers.

Soudain, des bruissements accompagnés de borborygmes inquiétants se firent entendre en provenance du couloir. Quelqu’un murmurait péniblement quelque chose en tentant d’ouvrir la porte de la chambre voisine ; ''sa'' chambre !

''- ... e... ai... t... ger..., e... ai... t... ger...''

Sa chute, beaucoup trop longue, avait heureusement été amortie par de la terre. L’obscurité était presque totale et Sean ne distinguait rien excepté le halo produit par un faible rayon de lumière tombant verticalement sur lui. Il leva les yeux et aperçu un rectangle lumineux à 5 ou 6 mètres plus haut s’ouvrant sur la salle de bain. Aussi fou que cela puisse paraitre, il était vraisemblablement passé à travers la baignoire pour atterrir dans une sorte de souterrain. La folie semblait l'avoir gagné.

Sean tendit l’oreille, les chuintements se rapprochaient au dessus de lui toujours accompagnés par ces mots incompréhensibles et ce râle infernal. Une silhouette impossible ne tarda pas à venir se placer dans son champs de vision ; dans une attitude vaguement humaine elle lui tendit la main. Un terrible frisson parcouru la nuque de Sean qui fut violemment tiré en arrière, à l’abri du rayon de lumière.

Une femme en haillon le fixait et lui intima de se taire. Affolée et le regard dément, elle lui chuchota :